Le paradoxe du Sahel

On observe depuis une quarantaine d’années une augmentation significative des ruissellements et des écoulements dans tout le Sahel, malgré la baisse des précipitations (aujourd’hui stoppée), et ce à toutes les échelles :

A l’échelle des petits bassins-versants élémentaires, la diminution de la couverture végétale conduit à un accroissement du ruissellement et des débits, ainsi qu’à une érosion active qui a pour conséquence l’apparition de zones de dépôts sableux sur les replats et les bas fonds. Dans le bassin de Tondi Kiboro (voir, fig1, son occupation des sols en 1993 et 2007), l’accroissement des plages de sol nu a provoqué un doublement des volumes écoulés en 15 ans. (M2R Kadidiatou Souley Yéro, 2008)

Fig 1 : Occupation du sol du bassin versant de Tondi Kiboro

 

Fig 2 : Evolution de la forme de la crue du Niger à Kandadji et à Niamey

Le débit du fleuve Niger entre Kandadji et Niamey a augmenté en début de Mousson (fig 2), depuis une vingtaine d’années, du fait du seul apport d’une dizaine de bassins de quelques centaines de km², auparavant endoréiques ou non contributifs ; ces « koris », cours d’eau intermittents, ont formé de gros cônes de déjection , provoquant un ensablement grave du lit du fleuve Niger (thèse de Okechukwu Amogu, 2009). C’est surtout la région de Niamey qui est concernée, probablement du fait du très fort déboisement causé par la demande en bois de la ville.

 
 
 
 
 
 
 

Fig 3 : Evolution des débits moyens de quelques cours d’eau Sahéliens

Tous les cours d’eau sahéliens ont vu leurs débits augmenter, depuis le début de la sécheresse au Sahel (1968) (fig 3), entraînant une hausse des coefficients d’écoulement encore plus marquée (un doublement en 40 ans dans certains cas) ; ceci est observé dans les bassins de la Volta et du Niger, mais aussi du Sénégal (Descroix et al., J. of Hydrol., 2009).
De ce fait, à la station de Niamey la baisse du débit du fleuve est du même ordre de grandeur que celle de la lame précipitée, contrairement à ce qui est observé en amont (zone soudano-guinéenne) où les débits ont baissé deux fois plus que la pluie.

Dans les secteurs endoréiques, cet accroissement des écoulements a provoqué un accroissement du volume et de la durée des mares, et dans certains sites, ceci a entraîné une hausse de la nappe phréatique (Cappelaere et al., 2009).

C’est cette augmentation des écoulements en dépit de la baisse des précipitations qu’on appelle le « paradoxe du Sahel ».

Les recherches en cours visent à déterminer si les changements d’usage des sols ne pourraient pas en rétro-action avoir une influence sur les précipitations.

Mis à jour le 5 janvier 2022