Recharge des nappes phréatiques au Sahel : quantification par RMP

Au Sahel où l’essentiel de la ressource en eau est souterraine, l’estimation du renouvellement des nappes aquifères est un enjeu majeur, mais c’est aussi un défi scientifique et technique en raison notamment de la forte variabilité spatio-temporelle des précipitations et des états de surface.

A l’occasion de la parution d’un article dans la revue Ground Water, nous proposons ici une synthèse des résultats de 5 années de travaux sur l’apport de la méthode RMP pour améliorer la fiabilité des modèles hydrogéologiques et l’estimation de la recharge de l’aquifère au Niger semi-aride.

Le site d’étude

Au sud-ouest Niger, le niveau de la nappe s’est élevé de plus de 4 mètres depuis 1960 malgré une sécheresse prolongée depuis les années 70. Cette situation paradoxale a été expliquée par une augmentation de la recharge liée à la déforestation qui a favorisé le ruissellement et le remplissage des mares temporaires (principales sources de recharge de la nappe). Néanmoins, pour bien reproduire les observations, une estimation précise des paramètres contrôlant cette recharge restait à faire. A cette fin, les mesures effectuées dans le cadre du Service d’observation AMMA-Catch, ont été complétées par une prospection RMP sur 35 sites répartis sur 5000 km².
 
 
 
 
 
 

La méthode RMP

La résonance magnétique protonique (RMP) est une méthode géophysique non destructive qui est directement sensible à l’eau souterraine. Elle permet non seulement de connaître la distribution d’eau en profondeur, mais aussi d’estimer la perméabilité des aquifères à partir d’une relation empirique qui est calibrée dans le contexte étudié avec quelques essais de pompages.

En parallèle des mesures RMP, des sondages TDEM (time domain electromagnetic) ont été réalisés pour estimer rapidement et précisément la profondeur de la base de l’aquifère constituée d’argile grise très conductrice électriquement (5-6 Ohm.m).

La modélisation hydrogéologique

Les mesures géophysiques ont servi à vérifier la pertinence des paramètres hydrodynamiques (porosité et perméabilité) du modèle numérique hydrogéologique existant. Le modèle initial a été construit par des collègues de HSM (Hydro Sciences Montpellier) pour simuler l’évolution des niveaux piézométriques entre 1992 et 2003. Il utilise en entrée les résultats d’un modèle de ruissellement qui calcule le volume d’eau accumulé dans les mares pour alimenter la recharge de la nappe. En l’absence de mesure, le modèle hydrogéologique estime les paramètres les mieux adaptés, mais à cause d’un problème d’équifinalité entre les paramètres, plusieurs solutions sont possibles. Une estimation indépendante des paramètres hydrodynamiques par RMP permet de vérifier le réalisme du modèle hydrogéologique et aussi celui du modèle de ruissellement qui l’alimente.

Les résultats

Les résultats RMP ont montré une porosité moyenne supérieure à celle précédemment utilisée et ont permis de réduire de 50% la gamme de porosité et de 2 ordres de grandeur la gamme de perméabilité à introduire dans le modèle hydrogéologique. La réduction de ces gammes de paramètres permet de simplifier le modèle et de préciser l’estimation de la recharge nette de l’aquifère. La recharge ainsi obtenue ( 22 mm/an), plus de 4 fois supérieure à la recharge du modèle initial ( 5 mm/an), suggère une plus grande densité des zones de recharge que ce qui avait été estimé auparavant et remet en cause un schéma d’alimentation de la nappe exclusivement par les mares identifiées. Des études complé-mentaires montrent que l’infiltration profonde peut aussi avoir lieu sous les ravines et cônes alluviaux.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

La méthodologie présentée ici peut être appliquée dans beaucoup d’autres aquifères libres, même si la dynamique de la nappe est différente (par exemple baisse de la nappe). Elle peut considérablement améliorer le réalisme des modèles dans un contexte de changements des ressources en eaux souterraines à long terme.

Références associées

  • Boucher M., Favreau G., Nazoumou Y., Cappelaere B., Massuel S., Legchenko A. 2011. Constraining groundwater modeling with magnetic resonance soundings. Ground Water, Early View, doi 10.1111/j.1745-6584.2011.00891.x.
  • Boucher M., Favreau G., Descloitres M., Vouillamoz J.M., Massuel S., Nazoumou Y., Legchenko A. 2009. Contribution of geophysical surveys to groundwater modelling of a porous aquifer in semiarid Niger : An overview. C. R. Geosci. 341, 800-809.
  • Boucher M., Favreau G., Vouillamoz J.M., Nazoumou Y., Legchenko A. 2009. Estimating specific yield and transmissivity with magnetic resonance sounding in an unconfined sandstone aquifer (Niger). Hydrogeol. J. 2009 (17), 1805-1815.
  • Massuel S., Cappelaere B., Favreau G., Leduc C., Lebel T., Vischel T. 2011. Integrated surface water-groundwater modelling in the context of increasing water reserves of a regional Sahelian aquifer. Hydrolog. Sci. J. 56, 1242-1264.
  • Vouillamoz J.M., Favreau G., Massuel S., Boucher M., Nazoumou Y., Legchenko A. 2008. Contribution of Magnetic Resonance Sounding to aquifer characterization and recharge estimate in semiarid Niger. J. Appl. Geophys. 64 (3-4), 99-108.

Mis à jour le 5 janvier 2022