Compte rendu de la 3ième conférence internationale AMMA, 20-24 Juillet 2009

Le système MOUSSON

Le fonctionnement de la mousson : Démarrage et pauses

La date de déclenchement de la mousson, qui détermine le début des semis, est très importante pour les agriculteurs. Le fonctionnement de la mousson d’Afrique de l’Ouest est un système où interagissent l’océan, le continent et l’atmosphère. Des équipes ont étudié l’interaction entre l’océan et l’atmosphère et leurs actions réciproques sur la mousson. Les équipes du CNRM et du LEGOS ont mis en évidence que la mise en place d’une langue d’eau froide au niveau du golfe de Guinée précède le déclenchement des pluies de mousson. Ils ont aussi montré que la création de cette langue d’eau froide est provoquée par l’accélération des vents associés à l’anticyclone de Sainte Hélène dans l’Atlantique sud.

Ces résultats permettent de mieux prendre en compte le rôle du bassin Atlantique dans notre compréhension du fonctionnement de la mousson. Ainsi il est possible d’envisager une meilleure prévisibilité de l’arrivée de la saison des pluies sur le continent mais aussi, en recherche fondamentale, d’améliorer la représentation de l’océan dans les modèles de prévision et ainsi de mieux représenter le système mousson.

Les pauses sèches de la mousson, c’est à dire des arrêts ou des fortes diminutions de pluies qui peuvent durer de 10 jours à un mois, peuvent être désastreuses pour les cultures.
Pourquoi ces pauses existent et comment sont-elles modulées ? L’air plus froid venant de la méditerranée qui passe par l’Afrique du nord, entre l’Atlas et l’Agar a une infuence : suivant les régions où cet air froid arrive, il augmente les pluies en apportant de l’air humide de la méditerranée ou diminue les pluies en réduisant la convergence des vents.
En étudiant une échelle de variabilité de deux à dix jours des pluies sous l’influence de cet air froid, on peut améliorer la prévision du temps à l ’échelle.

La mousson et son environnement

La mousson interagit avec son environnement et impacte les ressources en eau. Ses liens avec les surfaces continentales ou encore les ressources en eau sont de mieux en mieux compris.

  • Surface continentale
    • Dans le Sahel pastoral, les mares sont très importantes pour la populations, particulièrement pour les troupeaux. Dans le Gourma au Mali, il existe un paradoxe : malgré la longue sécheresse, l’utilisation conjointe de photographies aériennes des années 60 de l’IGN et de données satellites depuis 1975 jusqu’a maintenant, montre un accroissement important des mares depuis les années 60.
    • Par exemple, les scientifiques de l’ORE AMMA-CATCH (équipe du CESBIO) ont constaté un accroissement des surfaces de 98% entre 1975 et 2002 sur une zone témoin de 150 sur 150 km. En 1975, 92 mares recouvraient 22 000 hectares et en 2002, 43000 hectares pour une pluie quasiment équivalente. Cette évolution est graduelle, la plupart des mares sont passées de mares saisonnières à des mares pérennes. Les chercheurs ont montré que ce paradoxe provient d’un accroissement de l’écoulement et non pas du cycle saisonnier des précipitations.
  • Eau
    • En hydrologie, la compréhension du cycle de l’eau est complexe. On pourrait imaginer que la période sèche observée depuis 1970 ait provoqué une diminution des ruissellements au Sahel. Or il n’est est rien, depuis plusieurs années, les hydrologues ont observé une augmentation de ces débits. La recherche l’explique depuis 1987 : pendant ces années de grandes sécheresse, l’utilisation des sols par l’homme a changé. Le défrichement et le déboisement consécutifs à ce changement climatique occasionnent un fort accroissement du ruissellement et des écoulements. Une autre équipe de l’ORE AMMA-CATCH (LTHE) a travaillé sur l’étude des changements de surface en utilisant la télédétection et la photo-interprétation pour cartographier l’occupation des sols dans le SW nigérient dans l’objectif de proposer aux politiques des données sur la variabilité de l’eau disponible pour l’agriculture.
    • Une autre partie de l’hydrologie traitée dans AMMA se concentre sur le cycle de l’eau continentale en Afrique de l’Ouest. Le stock d’eau dans le sol est une variable clefs du bilan océan-continent-atmosphère et joue un rôle essentiel dans la croissance végétale. Les changement de surface hydrique de cette région sont donc des données critiques notamment pour l’agriculture.
    • Les chercheurs de l’ORE AMMA-CATCH ont travaillé sur les observations du satellite GRACE lancé en 2002. Cet instrument satellitaire est le premier qui permet d’estimer les variations du stock d’eau dans le sol. La comparaison avec les données de terrain AMMA sur 2007 a montré que les stocks d’eau issus de GRACE peuvent être utilisés pour le suivi de la variabilité saisonnière et ainsi de la variabilité interannuelle de l’eau du sol en Afrique de l’Ouest et au Sahel. Les données satellite peuvent donc être employés pour mieux comprendre le bilan d’eau de cette région ainsi que pour mieux étudier et modéliser les relations entre eau du sol et phénologie de la végétation.

La mousson et le changement climatique

Actuellement, l’Afrique de l’Ouest n’est plus dans une période aussi sèche que dans les années 80 mais reste en déficit de précipitations en particulier à l’ouest du continent. Au delà de la variation naturelle des précipitations, les facteurs anthropiques qui influencent le changement climatique comme les gaz à effets de serres, rendent plus difficile la prévision de cette variabilité.
Il est important de savoir si de fortes évolutions vont avoir lieu et de les quantifier mais il faut aussi savoir à quelle vitesse ces évolutions s’effectueront. Dans le passé, le changement à été très souvent brutal. L’adaptation de population déjà en difficulté est encore plus problématique face à des situations extrêmes brusques, ce qui renforce la nécessité de projections plus fiables. Les scientifiques cherchent à savoir pourquoi en Afrique de l’ouest, ces changements aussi brutaux ont eu lieu.

Prévoir les variabilités de la MOUSSON dans le contexte de changement climatique

Les résultats du GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) montrent des incertitudes des scénarios sur les zones de mousson qui ont un rôle capital sur le climat global. De plus, le Sahel est la région où les incertitudes sur l’évolution des précipitations est la plus forte. Ceci renforce l’apport du programme AMMA dans les 17 systèmes de modèles de prévision mondiaux utilisés par le GIEC.

La Modélisation de Climat en Afrique de l’Ouest

La prévision du changement climatique est réalisée à partir de modèles physique du climat. Mais aujourd’hui les modèles sont encore incapables de prédire correctement les pluies au Sahel et leur possible modification sous l’effet du réchauffement global. Un ensemble d’équipes d’AMMA se sont regroupées pour la première fois pour réaliser une intercomparaison de ces modèles Il se sont penchés sur l’évaluation de ces modèles dans leur capacité à simuler le climat en Afrique de l’Ouest et particulièrement les pluies de mousson. Le travail en cours consiste à comparer les résultats des modèles avec les données récoltées lors des campagnes de terrain AMMA. Is ont permis d’identifier les faiblesses de ces modèles. L’apport de ces observations permettra d’améliorer très nettement les résultats des modèles pour ensuite les évaluer dans leur utilisation pour des études agronomiques, hydrologiques, etc. F. HOURDIN et Y. XUE

Prévision de l’échelle journalière à saisonnière

Les modèles numérique permet d’établir des prévisions de la mousson. L’objectif principal est de quantifier le bénéfice apporté par des données de radiosondages déployées lors des campagnes AMMA sur les analyses et prévisions au-dessus de l’Afrique de l’Ouest, et au-delà vers des latitudes plus élevées de l’hémisphère nord. Cette meilleure description de l’atmosphère permet d’une part d’apporter des meilleures prévisions quotidiennes en Afrique et au-delà, et d’autre part de constituer des analyses de référence de la mousson Africaine sur lesquelles baser des études scientifiques visant à comprendre les mécanismes en jeu.
Lorsque ces données sont correctement utilisées, elles permettent de mieux analyser l’humidité atmosphérique, ce qui améliore les prévisions de précipitations. Sur la période d’août-septembre 2006 étudiée, une amélioration significative de la prévision à 2-3 jours d’échéance sur l’Europe a été obtenue lorsque les données sur l’Afrique sont utilisées. Rabier

Des modèles de prévision numérique de nouvelle génération sont appliqués sur l’Afrique. Ils ont l’avantage de mieux reproduire les systèmes pluvieux. En les faisant tourner sur l’Afrique, on a constaté qu’ils fonctionnent plutôt bien et arrivent à représenter la formation des systèmes nuageux sur les reliefs, leur propagation, les lignes de grain et leurs liens avec les ondes d’est. Ce sont de meilleures méthodes de prévisions du futur qui sont pour la 1ere fois utilisées sur l’Afrique, évaluées et amélioré avec les données d’AMMA.

MOUSSON et INTERACTION SOCIETE ENVIRONNEMENT

Impacts

Les conséquences de la variabilité climatique en terme de santé est une question primordiale pour les sociétés. Des travaux en physicochimie de l’atmosphère porte sur la mise en évidence d’une pollution de l’air majeure dans les capitales africaines d’Afrique de l’Ouest, jusqu’alors peu intégrée au plan international ainsi que sur la mise en place de liens entre cette pollution et son impact sur la santé des populations exposées en termes de risques inflammatoires (toxicologie) et d’affections (épidémiologie).
Les résultats des campagnes expérimentales AMMA ont montré des niveaux élevés de pollution particulaire et gazeux dans les capitales africaines. Il convient à présent d’étudier les impacts climatiques et sur la santé.

Systèmes d’alerte

Une application directe de la recherche est de pouvoir aider les services socio-sanitaires à mieux gérer les pathologies associées au climat. Des chercheurs travaillent sur la problématique de la prévention des grandes endémies sous un angle d’alerte rapide. Leur étude permettra à terme de donner des orientations sur certaines maladies endémiques à partir de la prévision saisonnière afin de faire des ajustements et prendre des mesures anticipatoires. La pertinence des résultats dépendra de la fiabilité des données et de leur disponibilité en temps réel.

Adaptation

Le changement climatique est un facteur impactant la dynamique des forêts. Des chercheurs ont montré l’importance des ressources forestières dans la possibilité d’adaptation du Sahel Rural. Un questionnaire couvrant de nombreux thèmes sur l’utilisation des ressources forestières a été réalisé auprès de 1354 foyers dans 16 sites du Sénégal, Mali, Burkina Faso, Niger et Nigeria suivant un gradient des pluies s’étendant de 400 à 900 mm. Des cartes d’utilisation des terres ont été réalisées pour la majorité des sites où des documents renseignant la dynamique et l’état des couvertures forestières étaient disponibles. Les résultats ont montré la diversité et l’importance des ressources forestières qui sont utilisées quotidiennement comme dans le chauffage au bois, la construction, l’utilisation médicale, l’alimentation, la réduction de l’érosion des sols, etc
Le potentiel des services forestiers est très dépendant de l’état quantitatif et qualitatif des ressources et de la biodiversité des forêts mais aussi de la pression démographique.

Mis à jour le 1er décembre 2022